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Fille au Guidon : rencontre avec Charles Krajka

Fille au Guidon et Charles Krajka sur Moto Légende 2016

En Novembre 2016, j’ai eu la chance de couvrir le Salon Moto Légende pour Mag’Motardes. Cette année là, cette grande fête de la moto ancienne était aux couleurs de Moto Guzzi qui y célébrait ses 95 ans. Sur le côté du magnifique stand de la marque italienne, cachée entre les vieilles Guzzi de l’époque, il y avait une table et à cette table un homme que tous les passionnés connaissent : Monsieur Charles Krajka.

Charles Krajka, interview exclusive Fille Au Guidon

Quand je lui ai dit que je venais pour Mag’Motardes, le magazine de la moto au féminin, il m’a dit : « Vous !! Ne bougez pas !! Il faut que je vous parle de celle sans qui rien n’aurait été possible. »

Charles Krajka est une figure dans le monde de la moto en France, il fait partie de ceux qui l’ont créé ! Pilote solo et side-cariste au palmarès impressionnant, motociste et Motoguzziste de la première heure, il a de nombreuses anecdotes à raconter sur les courses, les motos, les pilotes, les concessionnaires, les clients …

La légende de Charles Krajka commence en 1950 lorsqu’à 16 ans, il délaisse le travail du cuir que faisait son père pour travailler comme apprenti sur ce qui le passionne : les motos ! Au milieu des motos Françaises et surtout Anglaises commercialisées par Moto Bastille, il découvre les Moto Guzzi et en particulier une : la Airone 250.

Avec sa fourche inversée, ses suspensions arrières oscillantes, son cylindre horizontal, son sélecteur au pied, ses freins à tambour qui permettait de freiner fort, l’Airone a tout ce que les autres n’ont pas encore. LA moto idéale pour rouler vite et bien ! Et ça Charles, il aime ! Alors il l’achète.

Quelques années plus tard il prend sa première licence au Moto-Club Chatillonnais et commence à courir en compétition. Dès la première course il finit deuxième au guidon de son Airone. Un an après, en 1957, il est champion de France 250 cc !

charles krajka 1957moto guzzi airone 250

Au Moto-Club Chatillonnais, il y a des motocyclistes masculins (« Ne dite jamais Motard, Motard c’est pour les gendarmes ») et … ELLE « A l’époque il n’y avait que deux femmes motocyclistes à Paris : Arlette en Triumph et Titi en Rumi » nous raconte-t-il fièrement. C’est le coup de foudre, Charles Krajka et Titi se marient. Le couple ne roule pas sur l’or alors Charles vend son Airone. Charles a le virus de la course et sa femme accepte de le laisser faire tant que ses courses ne tapent pas dans les économies du ménage. Pour financer ses courses sur piste, Charles Krajka fait des courses de côtes et de side-car cross.

En 1958, Charles veut faire le Bol mais n’a pas les sous. Qu’à cela ne tienne, il va voir l’organisateur en juin et jure sur l’honneur de lui rembourser les frais d’inscription de la compétition en octobre. Pour organiser le ravitaillement, Titi négocie avec un épicier de Monthléry pour qu’il lui donne ce dont elle pense avoir besoin et qu’elle puisse ramener ensuite ce qu’ils n’auront pas consommé.

Au début, c’est très dur. Seulement 3 ou 4 motos par an mais un service client hors norme. Bientôt tous les side-caristes de Paris se retrouvent chez eux car, chez les Krajka, pas de voiture, juste un side-car pour tous leurs déplacements professionnels et personnels. « Une moto à dépanner de l’autre côté de Paris, on la chargeait sur la planche et hop ». La planche elle servira aussi à transporter Mme Krajka à l’hôpital pour accoucher (respect Titi) et à ramener le petit bout à la maison (double respect !) Petit à petit la clientèle augmente. Le couple travaille sans relâche. « Mon histoire est une histoire de couple, Titi a toujours été là dans les bons et les mauvais moments, même les très mauvais. Elle ne m’a jamais fait aucun reproche. Je n’aurais jamais été ce que je suis sans elle ».

En 1962, Charles Krajka arrive à convaincre le Président du Motocycliste Club de France d’organiser une course de side-car alors qu’il n’en restait plus que 3 en France. « Il fallait être 12 sur la grille de départ, je lui ai dit, programme la course on sera douze » Ils furent bien douze sur la ligne de départ du critérium. Les compétitions de side en France ont repris et en 1979 lorsque Charles a quitté la compétition, il était 45 !

Charle Krjka side car 1962 fille au guidon

Titi participe aux courses assurant le panneautage à l’ardoise, le ravitaillement, le rapatriement quand il chute et tient la boutique quand il est blessé. Lorsqu’ils se déplacent sur une compétition, la moto de course est attachée sur le side et quand Charles la descend, c’est « Titi qui la conduisait » se souvient-il fièrement. En 1967, Charles Krajka découvre sur une compétition la Moto Guzzi V7. Il rentre chez lui, persuadé que cette moto va faire un tabac en France. Un bicylindre en V de 42 chevaux, une batterie de 12V, un démarreur électrique … Titi est d’accord et l’histoire Moto Guzzi commence. C’est Charles Krajka qui obtiendra l’homologation pour la première V7 vendue en France et il s’en achète une dans la foulée à laquelle il attèle … un side !

Charles Krajka devient rapidement le premier vendeur de Moto Guzzi en France. Non seulement il les vend et en assure l’entretien mais en en plus … il les perfectionne. Avec l’accord de la maison mère, il va chercher lui-même les pièces de rechange auprès des fournisseurs et fait des modifications qui sont ensuite reprises par la marque. Son service client, il en est fier ! « C’est plus facile de perdre un client, que de le gagner » alors il dépanne ses confrères pour que tous les MotoGuzzistes soient contents et restent fidèles à sa marque fétiche. Et des clients contents, il en a eu plein, comme ce Monsieur venu saluer Charles sur le stand et lui rappeler qu’en 1975 il lui a sauvé ses vacances en acceptant de lui changer, de nuit, une pièce afin qu’il puisse prendre la route le lendemain. Incroyable mais vrai.

Un jour, Charles et Titi sont en vadrouille et s’arrête chez un vieil ami qui avait acheté sa Guzzi Airone bien des années plus tôt. Titi note que la moto est sous une bâche et ne sert plus. Au Noël suivant, Charles trouva sa belle Airone « trônant au milieu du magasin, plus de 20 ans après » nous raconte-t-il tout ému. « Titi avait tout organisé». Charles Krajka a 82 ans maintenant mais la moto fait toujours partie de sa vie, et vice et versa. Il se bat pour la sécurité des pilotes en participant à de nombreux groupes de travail. Vous pouvez encore le voir trainer autour des circuits vérifiant que chacun porte bien les bons gants (vécu). Madame Krajka reste discrète. « Elle n’aime pas qu’on parle d’Elle »

Et bien pour une fois, on a parlé d’elle et elle a aimé alors moi j’étais ravie !

A la fin de cet interview, Charles m’a demandé si j’vas déjà roulé en Guzzi . « La Guzzi, où tu adores, ou tu détestes mais il faut que tu essayes !! »

Et c’est ce que j’ai fait … et c’est grâce à M. Krajka qu’aujourd’hui je roule en V7 !

6 réflexions au sujet de « Fille au Guidon : rencontre avec Charles Krajka »

  1. Merci pour ce bel article

    1. Cet article m’a rappelé le temps où M. Fraisse mécanicien moto à Bordeaux entretenait les motos
      que M. Krajka lui envoyait !! Un vrai moment de vie !

      Max

      1. Mr Charles Krajka avait une boutique à Paris dans le 11e arrondissement rue Saint Maur

  2. Merci pour cer article. Bien connu quand il avait son magasin à Vincennes. Étant routier à l’époque je le rencontrais quelques fois à Cluses quand il revenait d’Italie avec du matos et des nouveautés entre autre la 1000 convers. Super bonhomme et chapeau pour se qu’il a fait pour le milieu de la moto

  3. Merci pour cet article, que nous découvrons aujourd’hui. Il nous a rappelé beaucoup de bons souvenirs. C’est en 1970 que nous avons rencontré Charlie sur les circuits, alors que nous participions au championnat de France national side-car 500cc ; et dans la foulée, Titi qui tenait le magasin rue St Maur dans le 11ème arrondissement à Paris, pendant qu’il courrait . Cette même année, Jeanie et moi nous mariâmes et devinrent champions de France.

  4. Merci pour cet article, que nous découvrons aujourd’hui. Il nous a rappelé beaucoup de bons souvenirs. C’est en 1970 que nous avons rencontré Charlie sur les circuits, alors que nous participons au championnat de France national side-car 500cc ; et dans la foulée, Titi qui tenait le magasin rue St Maur dans le 11ème arrondissement à Paris, pendant qu’il courrait . Cette même année, Jeanie et moi nous mariâmes et devinrent champions de France.

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